Saint-Pierre 1918
Il s'agit de la narration de Raymond Scaillet (1), le beau-père de Jean-Claude Gelay, pour l'organisation de la St Pierre durant la guerre, en 1918. C'est la retranscription presque telle quelle de l'écrit; j'ai {Jean-Michel Strens} juste racourci certaines phrases -et pourtant il en reste de fort longues- et réajusté un peu la ponctuation.
"Recruté par Pierre Wautelet, fils de Jules Wautelet dit "Jules Du Marquis" qui habitait au n°3 de la rue du Boukau, et encouragé par quelques adultes férus de marches, nous étions un quarteron de gamins du quartier de la chapelle. L'aîné, Pierre, avait 12 ans. J'en avais 7. Quelques unités de la rue Ruisseau des Forges vinrent se joindre à nous tels que Henri Hardy et Louis Maqueigne qui avait déniché un drapeau français dans le grenier paternel.
On décida de monter une compagnie pour la St Pierre. Pendant tout le mois de juin, à la soirée, dans l'enceinte de la chapelle, se tenaient des réunions fort animées où l'on discutait ferme pour l'attribution des places. Pierre, l'aîné, qui pouvait disposer d'un des chevaux de son père était naturellement le major. Roger Lambot, adjudant; Louis Maqueigne, officier porte-drapeau; etc. Enfin, tout s'arragea très bien. On astiqua les fusils à capsule, on fabriqua, avec l'aide de l'un ou l'autre adulte, des haches en carton peint. Les mamans couturières fabriquèrent des pantalons blancs et des tabliers pour les sapeurs. On appliqua quelques bouts de galon sur les vestes. Bref, tout était fin prêt.
Au fur et à mesure que la date approchait, la tension montait d'un cran tous les jours. Il fallut déchanter. En effet, une demande d'autorisation auprès des autorités allemandes pour pouvoir défiler dans rues de Florennes, nous fut nettement refusée.
La révérende soeur Arnoldine, des soeurs de la Providence, qui maîtrisait correctement la langue allemande, adressa personnellement une requête auprès de l'occupant. Elle essuya un refus catégorique. Voyant notre dépit, les soeurs nous invitèrent à venir faire une décharge dans la cour de l'école située, alors, sur la route de Mettet. C'est ainsi qu'ayant appris que les Allemands étaient occupés, sur la place verte, par une fête et des exercices militaires, la compagnie s'enhardit à sortir dans les rues.
On effectua une décharge à la chapelle St Roch, une autre à la chapelle St Jean. Tout se passait très bien, les habitants sur les pas des portes nous regardaient marcher. Certains essuyaient furtivement une larme. On remonta par le rue du calvaire, la rue St Pierre et la rue de la chapelle, drapeau français en tête quand tout à coup, nous nous trouvions à la hauteur du magasin Robat (qui n'existait pas encore à l'époque), un cri retentit :" Voilà les Allemands".
Effectivement, 2 teutons, casqués et bayonnette au canon, montaient au pas de charge par la rue Degrange et s'engageaient dans la rue du Jeu de Fer. En quelques secondes, la compagnie se volatilisa : Pierre, le major, juché sur son gros cheval rentra au galop à l'écurie de la rue du Boukau. En un instant le cheval fut désharnaché et le cavalier et les harnais furent cachés dans la huche à avoine qui se trouvait derrière l'écurie. Quant aux marcheurs, ils disparurent dans les maisons environnantes . Certains s'enfuirent par le fond de la chapelle, escaladèrent le talus du chemin de fer et disparurent derrière la gare.
Quant à moi et René Cavillot, nous fûmes vraiment empoignés par les demoiselles Irma et Jeanne Frippiat. Elles tenaient un café dans la rue avec leurs parents. Elles nous poussèrent à l'intérieur du café et, de là, dans une pièce contigüe; on roula le piano automatique devant la porte.
Nos deux soldats entrèrent au café; il n'y avait personne naturellement ! Après quelques vaines investiguations dans le quartier, nos deux Prussiens rentrèrent bredouilles à la caserne.
A ma connaissance, il n'y a eu aucun problème après ces évènements".
pour le dessin : http://membres.multimania.fr/briegel/mulhouse.htm
(1) Faire-part de décès de l'intéressé : http://www.enaos.net/P1230.aspx?IdPer=44488&IdAN=18967&LgTrv=3